Tout d’abord, un grand merci d’être là ! Je vous souhaite tous mes vœux pour cette nouvelle année et le plein de réussite dans tous vos projets spiritueux (ou autres). Aussi, j’espère que ce premier numéro de l’année vous inspirera !

Dry January : attention au marketing

« Janvier Sobre » (ou « sec ») est bel et bien là. Et après les excès des fêtes, les Français n’échappent pas au phénomène.

D’ailleurs, William Grant & Sons en profite pour lancer Atopia chez Monoprix. Une boisson sans alcool (0.5%) qui serait une alternative au gin.

Atopia « Ultra-low alcohol spirit »

Pendant ce temps, Pernod Ricard est devenu actionnaire majoritaire de Ceder’s, lui aussi un « alt-gin » sans alcool.

L’occasion cependant de rappeler que malgré le renfort de marketing qui accompagne tous les produits de ce type, les « spiritueux sans alcools », pas plus que les « gins sans alcool », ça n’existe pas. En effet, un spiritueux (et un gin de surcroît), au sens légal, contient forcément de l’alcool. Plus exactement, pas moins de 15% minimum ou même 37,5% dans le cas du gin. Par conséquent, le terme technique approprié pour l’essentiel de ces produits serait plutôt… *roulement de tambour*… « eau » ou « eau aromatisée » 🤫

Je m’explique :

  • Si vodka = eau + éthanol,
  • Alors vodka (ou gin) – éthanol = eau (aromatisée)

Mais forcément, à plus de 20€ la Volvic citron vert améliorée, et sans aucune taxe sur l’alcool pour justifier un tel prix face aux « vrais » spiritueux, ça deviendrait compliqué à vendre sans un tel branding de la catégorie… Bref, il y aurait beaucoup à dire, mais nul doute qu’on aura l’occasion d’en reparler plus tard. A suivre !

Ceci étant, ça n’est pas pour autant qu’il faut bouder sa sobriété, soit-elle temporaire ! Ainsi, si vous souhaitez prendre part à ce « défi de janvier » (et même poursuivre au delà), vous trouverez toutes les infos utiles sur le site de la campagne : dryjanuary.fr

Et si la thématique du sans alcool vous intéresse plus généralement, j’ai découvert un blog dédié au sujet qui a justement vu le jour en ce début d’année : ivresse.club. Et pour vos achats ou benchmarks, le site Gueule de Joie propose une quantité assez impressionnante de références (qui malheureusement, comme vu plus haut, semblent souvent ignorer les règles…).

Bilan 2020 et tendances futures

Drinks International a publié ses Brands Reports pour 2021. Réalisés en sondant une centaine de propriétaires de bars parmi les meilleurs au monde, ils offrent une vision de ce qui se vend le mieux dans leurs établissements. On y apprend notamment, que même si Bacardi et Havana Club restent les marques de rhum qui se vendent le mieux, c’est bien notre Plantation national 😎 qui est la marque favorite des bartenders, devant Michter’s, Tanqueray ou encore Del Maguey. En outre, même si l’on peut considérer qu’il y a trop de marques de gin (ie. des milliers) et qu’il est futile de vouloir en sortir de nouveaux, cette catégorie reste indiscutablement la plus utilisée dans les bars à cocktails sondés, devant les whiskies américains et le rhum.

De la vodka pour remplacer les arbres ? Air Company (New York) propose une vodka à base… d’air ! Créée à partir d’eau, de soleil et d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) converties en éthanol (ne me demandez pas comment), elle serait même bonne pour la planète puisque sa production ne rejette que de l’oxygène.

Bourbon = maïs. Mexique = maïs aussi, plus que l’agave d’ailleurs. Etonnant donc que ce pays ne soit pas davantage en vue dans la production de whisky comme ses voisins américains. Cela dit, la donne pourrait changer très prochainement, le tout sous l’impulsion de distilleries artisanales de mezcal qui lancent un mouvement de whisky mexicain. Pierde Almas ou encore le fondateur de Montelobos Mezcal et Ancho Reyes sont sur les rangs.

L’un des alambics de la distillerie de whisky mexicain Abasolo

Côté Ready To Drink, un autre signe de leur potentielle croissance dans les mois à venir : leur présence en grande distribution aux Etats Unis. Mais si on ne trouve pas encore chez nous en GMS des old-fashioned tous prêts comme chez Trader Joe’s (chaîne de supermarchés US), c’est tout le mal qu’on peut souhaiter à des pionniers du RTD en France comme Balbine, ou encore Cockorico et Le Barteleur. Reste à voir si nous sommes culturellement prêts à cela, mais nul doute que le contexte actuel pourrait débrider la situation.

Et si vous n’avez plus trop de budget sinon, ou préférez simplement le DIY, le site Distiller a publié un guide assez fourni de « hacks » pour faire vos propres cocktails pré-batchés à la maison, le tout avec quelques recettes pour lancer vos premières bouteilles immédiatement. Point particulièrement utile ici : intégrer environ 25% d’eau pour prendre en compte la dilution qui a lieu lors du mélange en conditions normales. Ainsi, vous pourrez servir vos création straight up, directement sorties du freezer, et sans avoir à délaisser vos convives (pas plus de 6 évidemment). Une nuance tout de même : je recommanderai d’être plus conservateurs sur les bitters et de les doser au goût, car simplement multiplier le nombre de gouttes par le nombre de verres visés peut les rendre trop présents dans le cas de pré-batches.

Quand le sort s’acharne…

Boire local (ou du moins national ou continental) sera-t-il contraint ? Et avec quelles conséquences ? En effet, la guerre des tarifs douaniers entre Europe et États-Unis se poursuit, avec depuis hier une taxation à 25% de nos Cognacs et Armagnacs (entre autres) à leur arrivée au pays de l’Oncle Sam. Une conséquence fâcheuse (pour rappel, 98% de notre production de Cognac part à l’export) à une précédente taxe de 25% introduite par l’Union Européenne en novembre dernier sur les importations de rhum, vodka & co en provenance des USA, elle-même conséquence d’une précédente taxe de 25% imposée au Scotch et Irish Whiskey notamment… Et vous vous en doutez certainement, les producteurs de part et d’autre, comme le CHR, n’avaient absolument pas besoin de ça en ces temps compliqués.

En parallèle, des distilleries US se sont vues infliger par erreur des frais allant jusque 14k$ pour avoir voulu aider en produisant du gel hydroalcoolique quand celui-ci était en pénurie au début de la crise du COVID-19. De quoi en décourager plus d’un, mais bonne nouvelle tout de même, tout ça a été corrigé.

De son côté, l’Afrique du Sud relance la prohibition : le pays a en effet de nouveau banni la vente d’alcool depuis le 28 décembre dernier (après déjà 100 jours d’interdiction en 2020). Si le motif sanitaire en situation de pandémie s’entend, les brasseurs du pays (qui se sont lancé dans une bataille juridique d’envergure) rappellent que les conséquences économiques n’en sont pas moins terribles : déjà 165 000 emplois perdus dans le secteur, et 34 500 établissements menacées de mettre la clé sous la porte, sans compter un développement certain de circuits parallèles illégaux.

La lumière au bout du tunnel

Sur une note plus positive, la TTB autorise désormais le format 70cl aux Etats-Unis ! Si on met de côté les problème douaniers évoqués plus haut, c’est une excellente nouvelle pour les producteurs français notamment. En effet, le format standard étant le 70cl ici, ils étaient jusqu’à présent obligés d’acheter et stocker des bouteilles 75cl spécialement pour l’export aux US (sans compter l’étiquetage adapté à gérer avec). Voilà qui pourrait à terme grandement simplifier les choses pour les plus petites structures ambitionnant l’export outre-Atlantique.

Les nouvelles tailles de flacons autorisées par l’Alcohol and Tobacco Tax and Trade Bureau (TTB)

Pour aller de l’avant toujours, Distiller Magazine a interrogé plusieurs distilleries à travers le monde, de Chichibu au Japon à Port Morris à New York en passant par Amrut en Inde (entre autres), afin de voir comment celles-ci vivent la crise du COVID-19, des conséquences subies, aux adaptations réalisées et autres enseignements. Ce qu’on peut retenir côté conséquences : pour certaines distilleries, les visites peuvent représenter jusque 80% de leur chiffre d’affaires (e.g. Ten to One Rum, Port Morris Distillery, …). Les confinements ont donc été particulièrement difficiles. Dans certains cas, elles ont même dû se séparer de 90% de leurs salariés (Loft & Bear). Côté adaptations : certaines ont rapidement pivoté vers la production de gel hydroalcoolique en attendant mieux (Amrut, Paul John, …). Et le digital / e-commerce est devenu un champ d’investissement prioritaire (Ten To One). Côté enseignements enfin, une distribution solide est définitivement vitale pour survivre.

Des « Finitions en fût de » qui posent question

Overdose de finishes ? Frédéric Bourgoin a publié sur son blog un playdoyer pour la fin des « finitions en fûts de » à Cognac. En effet, celles-ci transforment les eaux de vie en ce qui s’apparenterait plutôt à des cocktails déguisés (maths à l’appui), ce qui pose question sur l’actuel cahier des charges de l’appelation Cognac notamment. Il y décrit au passage quelques pratiques très discutables, comme celle du « mouillage » consistant, à défaut de disposer d’un fût de Sherry, à ajouter 4% de Xérès directement dans un fût de whisky pour faire comme si… 🙄

Portraits de 2 anciens barmen devenus brand ambassadeurs dans le rhum

De plus en plus de barmen ambitionnent de devenir ambassadeurs de marque. Parfois de manière prématurée regretteront certains. Aussi, deux interviews ont été publiées ces derniers jours, nous permettant de mieux comprendre le parcours de deux d’entre eux, de leur formation au bar, à ce nouveau rôle dans le monde du rhum : Danilo Grenci (ex Moonshiner et Bluebird devenu Brand Developer pour la maison Damoiseau) et Benjamin Nolf (ex Plaza Athénée et Jefrey’s, devenu Brand Ambassador pour Santa Teresa).

Benjamin Nolf (Brand Ambassador du rhum Santa Teresa)

On y apprend davantage sur le cheminement qui les a conduit vers ce nouveau statut, et ce qui ressort est clairement le fait d’avoir d’abord bâti une solide réputation derrière leurs comptoirs respectifs (et ce, pas forcément via des compétitions), mais aussi leurs démarches pro-actives, de part leurs voyages et les contacts qu’ils ont su initier. On découvre aussi plus clairement le scope qui rythme une telle mission (spoiler : il ne s’agit pas simplement de faire la tournée des bars 🥳 qui plus est à un moment où toute la profession est forcée de se réinventer un peu) et leur vision du rhum.

Culture G

Enfin, une petite question en passant : pourquoi tant de marques de whiskey américain contiennent le mot « Old » dans leur nom ? Le plus vraisemblable : une astuce marketing pour signifier que le whiskey a passé un long moment en barrique (synonyme de qualité dans l’esprit des gens même si, on l’a vu, ça n’est pas toujours le cas) et qu’il ne s’agit pas de vulgaire moonshine. Ou simplement pour copier les autres marques qui connaissent le succès avec ce terme dans leur nom. « Nous ne voyons pas d’autres explications » 😉

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